Le système du rift Est-Africain, qui s'étend sur des milliers de kilomètres de l’Afar au Mozambique, est un exemple bien connu de frontière de plaque naissante, divisant la plaque africaine en deux sous-plaques, la plaque nubienne à l'ouest et la plaque somalienne à l'est. La naissance d'une telle frontière de plaque s'est également produite dans le passé. Il y a 160 millions d'années, une nouvelle frontière de plaque a commencé à se former, divisant le supercontinent Gondwana en deux plaques, la plaque américaine et la plaque africaine. Aujourd'hui, les marges américaines et africaines, autrefois voisines au moment de la rupture continentale, sont séparées par le domaine océanique produit à l’axe de la dorsale océanique médio-atlantique.
Il a été souvent proposé que le point chaud de l'Afar, au nord du rift Est-Africain, et le point chaud de Tristan, dans la partie sud des marges américaines et africaines, ont tous deux fortement influencé la lithosphère continentale (respectivement de l'Afrique et du Gondwana) en produisant d’énormes quantités de magma le long de la frontière de plaque naissante. L’estimation de ces volumes de magma a d’ailleurs été utilisée pour déterminer l'anomalie thermique du manteau censée être responsable de cette fusion importante du manteau. Cependant, l'un des principaux écueils de cette approche réside précisément dans l’évaluation du volume de magma le long des marges américaines et africaines.
En effet dans ces marges, la croûte continentale amincie est fortement intrudée par du magma. Ces intrusions magmatiques ne peuvent pas être correctement résolues à l'aide de méthodes géophysiques. En revanche, l'épaisseur sismique de la croûte océanique est une estimation correcte du budget magmatique, largement utilisée le long des dorsales océaniques actuelles. L’épaisseur de la croute océanique peut donc être utilisée pour estimer les conditions de température dans le manteau qui prévalaient sous la dorsale naissante, juste après la rupture continentale.
Nous avons donc utilisé 28 profils de sismique réflexion, pour déterminer le budget magmatique au démarrage de l’accrétion océanique (cf figure). Nous avons constaté que, sur ~75% de la longueur de la dorsale océanique initiale, l'épaisseur de la croûte est similaire à l'épaisseur océanique standard. Ainsi, contrairement à ce qui était attendu, la majeure partie de la partie la plus méridionale de l'océan Atlantique s'est ouverte sans manteau anormalement chaud (l'apport élevé de magma étant limité à la queue du panache du point chaud de Tristan).
Nos résultats ont des implications importantes. Nous proposons que le volume de magma le long des marges volcaniques de l'Atlantique Sud doive être réévalué à la baisse et/ou que des explications autres qu'un manteau plus chaud, doivent être privilégiées pour expliquer la production massive de magma le long de la limite de plaque naissante.
Contacts :
Daniel Sauter et Gianreto Manatschal
Institut Terre et Environnement de Strasbourg, Université de Strasbourg
CNRS UMR 7063
5 rue Descartes Strasbourg - 67084 France
daniel.sauter[at]unistra.fr
manat[at]unistra.fr
Référence de l’article :
Daniel Sauter, Gianreto Manatschal, Nick Kusznir, Charles Masquelet, Philippe Werner, Marc Ulrich, Paul Bellingham, Dieter Franke and Julia Autin, 2023, Ignition of the southern Atlantic seafloor spreading machine without hot-mantle booster, Scientific Reports Vol. 13 Issue 1 Pages 1195, doi.org/10.1038/s41598-023-28364-y
L’actualité « De nouveaux résultats sur le démarrage de l’accrétion océanique dans l’Atlantique Sud » publiée sur le site de l’INSU.