Effet du confinement sur le suivi de l'activité sismique en France

Durant cette période de confinement nous pourrions avoir l'impression que la Terre s'est arrêtée de tourner ? pourtant elle continue de trembler !

Les mouvements de l'écorce terrestre en France sont observés et analysés par différents réseaux d'observation géophysiques intégrés au sein de l'Infrastructure de recherche Resif (Réseau sismologique et géodésique français) à laquelle l'École et Observatoire des Sciences de la Terre (EOST) participe activement.

L'EOST pilote en particulier le Réseau Large Bande Permanent (RLBP), constitué de ~150 stations sismologiques à grande sensibilité mesurant en continu les vibrations du sol sur le territoire métropolitain. Ces vibrations sont causées par l'activité sismique mais également par tout un ensemble de phénomènes naturels ou anthropiques qui, à l'instar de la pollution lumineuse en astronomie, génèrent un « bruit de fond sismique » limitant notre capacité de détection des petits séismes. Pour des fréquences supérieures à ~1Hz, une part importante de ce bruit sismique est généré par l'activité humaine située dans l'environnement des sites de mesure (industries, trafic routier et ferroviaire, ?) et présente généralement une variabilité jour/nuit et semaine/week-end. Nous avons analysé l'évolution de ce bruit sismique depuis le début du mois de Mars (Figure 1) à plus d'une centaine de station du RLBP. Cette analyse met en évidence une baisse de l'ordre de 25% de l'amplitude de ce bruit suite à la mise en place du confinement. La baisse est encore plus importante pour les quelques stations situées dans des villes. Ainsi, à la station de Strasbourg (STR) située dans les locaux de l'EOST, le bruit sismique pendant la semaine (lundi à vendredi) est désormais similaire à celui qui était typiquement observé pendant les week-ends avant le confinement.

Cette baisse du niveau de bruit de fond sismique améliore de-facto la capacité de détection des petits séismes.  Le suivi de l'activité sismique sur le territoire est effectué par le BCSF-RéNaSS, service d'observation national dont le site central est hébergé à l'EOST. Durant ces dernières années des efforts conséquents ont été entrepris pour automatiser les procédures de détection de la sismicité et pour fournir des outils permettant aux ingénieurs et chercheurs d'effectuer une bonne partie des analyses à distance. Cet effort a notamment permis au BCSF-RéNaSS d'assurer un suivi 7 jours sur 7 des récentes crises sismiques qui se sont produites en métropole (séisme du Teil et essaim sismique de Strasbourg par exemple) ou dans le cadre de la crise sismo-volcanique à Mayotte. Ces outils permettent aujourd'hui au BCSF-RéNaSS de poursuivre en mode télétravail son rôle d'observatoire de la sismicité (http://renass.unistra.fr).

La figure 2A présente le nombre de séismes détectés et localisés chaque jour durant le mois de Mars. Même si la sismicité présente une variabilité intrinsèque, une légère augmentation du nombre de séismes de faible magnitude semble se dessiner depuis le début du confinement et pourrait être liée à la baisse du bruit sismique ambiant. De manière beaucoup plus claire, le nombre de tirs de carrières, qui génèrent également des ondes sismiques enregistrées par nos réseaux d'observation, a, lui, drastiquement décru.

Ainsi cette période de confinement réduit l'impact des activités humaines sur les enregistrements sismologiques et permet ainsi de mieux enregistrer l'activité sismique naturelle sur notre territoire.

Figure 1 : Variation du niveau de bruit sismique ambiant en France suite au confinement. La courbe rouge représente la médiane des variations relatives de l'amplitude moyenne horaire du déplacement du sol dans la bande de fréquence 2-10Hz pour 105 stations sismologiques du Réseau Large Bande Permanent (RLBP) de l'infrastructure de recherche RESIF. La courbe bleue correspond à la station sismologique STR située au sous-sol du bâtiment de l'EOST sur le campus central de l'Université de Strasbourg. Les travaux de construction du nouveau bâtiment de l'EOST peuvent expliquer les fortes variations observées les jours précédant le confinement.  

 

Figure 2 : Évolution du nombre d'évènements sismiques de type séisme (A) et tirs de carrière (B) localisés par le BCSF-RéNaSS pour le mois de Mars 2020 sur la zone 41°N - 52°N / 5°W ? 9°E (métropole élargie)

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