Damien Lemarchand : "Empreintes Isotopiques des Interactions Eau/Roche : De l'échelle du bassin versant à celle du minéral"

Événement passé
14 novembre 2013
14h

Damien Lemarchand, maître de conférences au LHyGeS, soutiendra son Habilitation à diriger des recherche le 14 novembre à 14h.

Titre : Empreintes Isotopiques des Interactions Eau/Roche : De l'échelle du bassin versant à celle du minéral

Jury :

  • Dr. Peter Stille (LHyGeS, Université de Strasbourg) : Garant
  • Dr. Bertrand Fritz (LHyGeS, Université de Strasbourg) : Rapporteur interne
  • Dr. Jean-Dominique Meunier (CEREGE, Univeristé Aix-Marseille) : Rapporteur externe
  • Prof. Jérôme Viers (GET, Université Paul Sabatier, Toulouse) : Rapporteur externe
  • Dr. Marc Chaussidon (CRPG, Nancy) : Examinateur
  • Dr. Thomas Nägler (Institut für Geologie, Université de Bern) : Examinateur

Lieu : EOST, 1 rue Blessig, Amphi2e étage


Résumé :


Les interactions eau/roche sont l'un des processus fondamentaux qui contrôlent les transferts de matière entre les différents réservoirs terrestres, façonnent le paysage, produisent des gisements miniers exploitables ou à l'inverse causent l'accumulation de polluants, renouvellement les stocks de nutriments disponibles pour la croissance des végétaux, ou tout simplement contrôlent la composition chimique des eaux de surface dont nous dépendons. Déterminer les mécanismes, les paramètres de forçage et les vitesses des réactions d'échanges de matière entre fluides et minéraux revêt donc une importance capitale dans de nombreuses disciplines scientifiques et comporte de nombreuses implications sociétales. Le laboratoire d'hydrologie et de géochimie de Strasbourg (LHyGeS) développe depuis plusieurs années des recherches sur les thématiques de transferts d'eau et de matière associée. En particulier, l'équipe de géochimie isotopique et chimie de l'environnement travaille à l'aide du développement d'outils isotopiques à la compréhension des mécanismes de l'altération continentale et à la détermination des constantes de temps qui les caractérisent.  C'est dans ce cadre que s'inscrit l'essentiel de mon travail de recherche.

Ma présentation rassemblera une partie des travaux que j'ai effectués ou que j'ai co-encadrés au LHyGeS au cours de ces dernières années en se focalisant sur les apports de la géochimie isotopique du bore à la compréhension des interactions eau/roche. D'une façon très synthétique, la démarche scientifique que nous avons entreprise consiste en une diminution des échelles d'investigation (du bassin versant au site cristallographique) en quête des processus élémentaires limitant les réactions. L'essentiel du travail présenté repose sur l'analyse des isotopes du bore afin de mieux caractériser son cycle biogéochimique à l'échelle d'un bassin versant ainsi que d'identifier les mécanismes responsables des fractionnements isotopiques observés et les paramètres de forçage. Les résultats les plus importants que nous avons obtenus sont que la lithologie est le paramètre principal à l'échelle du bassin versant alors qu'à l'échelle du sol c'est la végétation qui semble contrôler un premier lieu les variations observées. La signification de ces deux observations est à trouver dans les échelles de temps qui caractérisent les transferts de matière mais également dans les propriétés physico-chimiques du bore qui témoignent d'une très forte affinité de cet élément pour les réactions d'échange d'ions à la surface des minéraux. À plus petite échelle, le fait le plus marquant que nous ayons observé est l'énorme différence entre les compositions isotopiques du bore dans les minéraux du sol et celles des solutions de sol ou des plantes. Cette différence est bien trop grande pour être explicable par un mécanisme simple de fractionnement isotopique et laisse à penser que les échanges du bore entre minéraux et plantes font intervenir des mécanismes qui nous sont encore inconnus. Enfin à l'échelle du site cristallographique, nous avons observé une très grande différence de composition isotopique entre les différents sites ainsi qu'une mobilité du bore bien supérieure à ce que l'on pouvait suspecter sur la base des études des éléments majeurs. Cette dernière observation remet en cause beaucoup d'idées existantes sur la position et la mobilité du bore dans les minéraux silicatés et ouvrent de nombreuses questions sur les mécanismes d'interaction eau/roche en général. Les principales d'entre elles sont : à quel point peut-on dire qu'un élément est immobile dans un réseau silicate ? Comment un élément peut-il se déplacer relativement rapidement dans un minéral sans que celui-ci ne montre des évidences de transformation cristallochimiques ? Dans quelle mesure l'étude d'un élément trace dans un minéral nous renseigne-t-elle sur les vitesses d'altération de ce minéral en particulier et du sol en général ? Toutes ces questions constituent autant de verrous scientifiques qui restent à lever et qui motivent mes futurs projets de recherche.