Eve-Agnès Fiorentino soutiendra sa thèse le jeudi 8 décembre à 14h.
Titre : "Phénomènes électrocinétiques et transport multiphasique en milieux poreux"
Le jury sera composé de :
- M. DIETRICH Michel, Isterre, Université de Grenoble (Rapporteur externe)
- M. FLEKKØY Eirik Grude, Department of Physics, Université d'Oslo (Rapporteur externe)
- M. GIRARD Jean-François, IPGS, Université de Strasbourg (Rapporteur interne)
- M. JOUGNOT Damien, UMR METIS, Université Pierre et Marie Curie (Examinateur)
- Mme JOUNIAUX Laurence, IPGS, Université de Strasbourg (Directrice)
- M. TOUSSAINT Renaud, IPGS, Université de Strasbourg (Directeur)
Lieu : EOST, 5 rue Descartes, Amphi Rothé
Résumé :
Le phénomène d'électrofiltration intervient dans de nombreux contextes en sciences de la Terre, et peut être utilisé comme outil d'imagerie géophysique. L'objectif de cette thèse est de modéliser ce phénomène en conditions saturées et non saturées afin d'améliorer sa compréhension.
Lorsqu'un électrolyte circule dans une roche, la présence d'une double couche électrique à l'interface eau/minéral crée un courant d'advection, qui est contrebalancé par un courant de conduction. Ce courant de conduction génère une différence de potentiel mesurable macroscopiquement. On appelle coefficient d'électrofiltration le rapport de cette différence de potentiel sur la différence de pression permettant de générer l'écoulement. En conditions monophasiques, ce coefficient est classiquement exprimé par l'équation d'Helmholtz-Smoluchowski, en fonction notamment de la conductivité de l'électrolyte et du potentiel ? (potentiel du plan séparant le minéral du fluide en mouvement). Cette équation permet bien de décrire le com- portement du coefficient aux conductivités moyennes, mais des déviations apparaissent aux salinités extrêmes, qui ne sont pas totalement comprises. En conditions multiphasiques, on cherche à déterminer une loi de dépendance de ce coefficient par rapport à la saturation en eau. La méthode utilisée pour ce travail est la méthode Lattice Boltzmann, qui permet de modéliser les phénomènes d'advection et diffusion et de reproduire efficacement la dynamique des mélanges non miscibles.
En monophasique, la modélisation permet d'explorer l'influence des différents paramètres intervenant dans l'équation d'Helmholtz-Smoluchowski. La comparaison des simulations aux données expérimentales disponibles dans la littérature montre que la prise en compte des variations de la permittivité et de la viscosité avec la salinité est indispensable pour expliquer les déviations observées à forte concentration. A faibles salinités, les analyses indiquent un relargage non négligeable d'espèces chimiques, qui peut être responsable de la remontée du coefficient dans cette gamme de concentration. En outre, un modèle de conductivité locale tenant compte de la distribution réelle des espèces ioniques au voisinage du minéral permet de montrer que l'augmentation de la valence du cation entraîne une diminution du coefficient. Enfin on constate que le modèle classique de variation de ? suivant une loi logarithmique échoue à prédire une valeur correcte de coefficient à moyenne et faible salinité. Cette loi ne semble convenir que pour des billes ou des grains broyés. Pour des sables et grès une approximation constante ? = -20mV donne de meilleurs résultats.
En multiphasique, on se heurte à une méconnaissance des mécanismes à petite échelle. Des enregistrements continus du coefficient d'électrofiltration au cours d'une expérience de drainage ont mis en évidence une forte augmentation de la réponse électrique par rapport à l'état de saturation totale, avec un comportement non-monotone (Allègre et al. 2010). Les modèles courants, qui ne parviennent pas à expliquer ces enregistrements, supposent que le potentiel associé à la double couche électrique de l'interface eau/air est négligeable. La modélisation montre qu'il s'agit au contraire de la contribution dominante : avec un potentiel ? de -20mV pour l'interface eau/air, on enregistre une augmentation du coefficient d'électrofiltration d'un facteur 5 à 30 par rapport au cas complètement saturé. Cette augmentation dépend en particulier de l'état dynamique des interfaces : si les bulles sont entraînées par l'écoulement, l'augmentation du signal sera plus forte que si les bulles sont immobiles, bloquées dans les anfractuosités du réseau.
L'aspect transport multiphasique est complété par une étude des lois de pression-saturation utilisées en hydrologie. Un modèle de percolation est implémenté de façon à reproduire les mécanismes de déplacement à l'échelle du pore. Cet algorithme permet de générer des courbes de pression-saturation, et d'étudier l'impact de la forme de la grille sur ces courbes. On constate que pour un système suffisamment grand, ces courbes peuvent se réduire à une simple fonction échelon. Loin des frontières de l'échantillon, la propagation du cluster se fait à une pression constante, qui est déterminée par la connectivité du réseau. Les courbures des lois de pression- saturation mesurées expérimentalement sont des artefacts, non représentatifs des véritables lois régissant les écoulements in situ. La valeur de la saturation résiduelle est également déterminée par la forme de l'échantillon. On montre qu'elle suit une loi fractale de la plus grande dimension de la grille, qui converge vers une valeur palier déterminée par une loi fractale de la plus petite dimension.