Jean-Michel Matray : Rôle des phénomènes de transport non diagonaux dans les formations argileuses compactées étudiées dans la problématique du stockage de déchets nucléaires.

Événement passé
28 mai 2014
11h

Séminaire du LHyGeS le mercredi 28 mai à 11h

Invité : M. Jean-Michel Matray, Chercheur au Laboratoire LETIS - IRSN/PRP-DGE/SRTG/LETIS à Fontenay-aux-Roses

Sujet : "Rôle des phénomènes de transport non diagonaux dans les formations argileuses compactées étudiées dans la problématique du stockage de déchets nucléaires."


Résumé :  
Les semi-perméables enfouis en profondeur présentent souvent des anomalies de charge hydraulique par rapport à leur encaissant aquifère et dont l'origine est souvent inconnue. Un excès de charge d'environ 50m a notamment pu être mesuré par l'Andra dans l'argilite du Callovo-Oxfordien, au sein de son laboratoire de Meuse-Haute-Marne à Bure. Le Callovo-Oxfordien a été sélectionné comme roche hôte potentielle d'un stockage de déchets radioactifs de haute activité et de moyenne activité à vie longue. Un excès de charge du même ordre (environ 30m) a également été mesuré sur le  Toarcien / Domérien, couche argileuse indurée de 250m d'épaisseur traversée un tunnel ferroviaire, dans le laboratoire souterrain IRSN de Tournemire (Aveyron).
L'étude des phénomènes affectant ces semi-perméables doit aider à mieux évaluer la sûreté de ce type de stockage où la roche hôte représente la barrière géologique dont le rôle est le confinement des radionucléides dans le temps et l'espace.
Les mécanismes susceptibles de contribuer aux excès de charge hydraulique sont nombreux : i) les processus hydromécaniques avec les variations du stress total lié au déséquilibre de compaction et au comportement viscoplastique des argiles; ii) les changements de condition aux limites avec notamment les déséquilibres liés à l'érosion ou aux glaciations; iii) les transformations diagénétiques susceptibles de générer un excès d'eau dans la porosité; iv) les phénomènes osmotiques(osmose chimique, osmose thermique,osmose électrique)...
C'est dans le but d'identifier et quantifier la contribution de chaque mécanisme susceptible de contribuer aux excès de charge hydraulique que l'IRSN a mené cette étude dans la couche argileuse du Toarcien/Domérien de Tournemire. Il s'agit d'un aquitard marqué par de très faibles perméabilités (1E-14 à 1E-15 m/s). Cette étude a nécessité la réalisation de forages dédiés à ces acquisitions, entièrement carottés et à l'air, et dans lesquels des équipement hydrauliques ont été installés. Une attention particulière a été portée aux processus de transport comme la convection, l'osmose chimique et l'osmose thermique, respectivement responsables de flux d'eau sous gradient de pression, de concentration et de température. La quantification de leur contribution relative au flux d'eau a nécessité l'acquisition de leurs gradients de force (charge, température et concentration) notamment par le biais des équipements hydrauliques et leurs paramètres de transport respectifs (perméabilité, coefficient d'efficacité osmotique, perméabilité thermo-osmotique) sur toute la couche argileuse. Cela a nécessité en particulier le développement de modèles osmotiques spécifiques permettant notamment de mieux expliquer la distribution des espèces ioniques dans les pores accessibles au transport. Une modélisation 1D basée sur l'application de l'équation de continuité en régime permanent a été réalisée.
Une reproduction satisfaisante de l'excès de charge hydraulique mesuré a été obtenue en couplant tous les phénomènes de transport susceptibles de générer un flux d'eau (convection et phénomènes osmotiques).
Ce résultat suggère que l'hypothèse de flux couplés en régime permanent est plausible sans toutefois exclure d'autres processus. Les simulations montrent également une inversion de la direction de l'écoulement qui devient ascendant lorsque l'osmose thermique est considérée. Ces simulations ont également permis de comparer les temps caractéristiques de diffusion à ceux de l'écoulement en couplant tous les flux d'eau. Cela n'a pu se faire que par une étude complémentaire permettant d'acquérir les paramètres de transport diffusifs (porosité accessible à l'eau et aux espèces mobiles, coefficients de diffusion de pore associés) sur toute la colonne sédimentaire. Les résultats suggèrent que la diffusion reste le phénomène dominant de transport pour les solutés et donc pour les RadioNucléides à l'échelle de la formation.