Les origines: 1830-1918
L'Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre, créé par décret en 1997, est né de la volonté de réunir les anciens instituts de Physique du Globe et de Géologie de la Faculté des Sciences de Strasbourg. Les débuts de la Physique du Globe remontent aux années 1880 avec la naissance de la sismologie et de la météorologie en Allemagne. L'origine de l'Institut de Géologie est plus ancienne. Elle est liée au développement de l'Université française de Strasbourg pendant la première moitié du XIXe siècle.
Le premier cours de géologie fut dispensé à titre bénévole en 1830 par Philippe Louis Voltz (1785-1840), ingénieur en chef de l'arrondissement minéralogique de Strasbourg. Polytechnicien et ingénieur du Service des Mines, il avait publié dès 1828 un "Aperçu de la topographie minéralogique de l'Alsace" et ébauché la première carte géologique de la région. Avec quelques amis, il fonda la Société d'Histoire Naturelle de Strasbourg et contribua à la gestion et à l'enrichissement de ses collections géologiques et paléontologiques. En 1834, il organisa et présida la réunion extraordinaire de la Société géologique de France dont le banquet de clôture fut servi sur la plateforme de la cathédrale de Strasbourg. Le premier titulaire de la chaire de Minéralogie et de Géologie créée en 1838 à la Faculté des Sciences de Strasbourg, fut Auguste Daubrée (1814-1896), également polytechnicien et ingénieur des Mines. Il est auteur de la première carte géologique au 80000ème du Bas-Rhin. Ses ouvrages sur la géologie lui valurent une réputation internationale. Son successeur fut Guillaume Philippe Schimper (1808-1880), botaniste et paléontologue de renom, auteur du premier traité de paléobotanique. D'abord conservateur du Musée d'Histoire Naturelle de Strasbourg, il occupa à partir de 1862 la chaire de géologie et de minéralogie.
Après l'annexion de l'Alsace à l'Allemagne, l'Université impériale a, dans tous les domaines, mené une politique élitiste, basant son niveau d'excellence sur une recherche fondamentale ancrée sur l'étude de problèmes concrets, conformément au modèle de d'université de Wilhelm von Humbolt du début du XIXe siècle. C'est sur ce même modèle que s'étaient construites les grandes écoles d'ingénieurs françaises dont Voltz et Daubré étaient issus.
A partir de 1872, les Sciences de la Terre comportèrent deux chaires : une chaire de Géologie et de Paléontologie dont le premier titulaire fut Ernst Wilhelm Benecke (1838-1917) venant de Heidelberg, et une chaire de Minéralogie et de Pétrographie occupée par Paul Groth (1843-1927) issu de la célèbre Bergakademie de Freiberg en Saxe. E.W. Benecke fit valoir ses droits à la retraite en 1907. Ses successeurs furent E. Holzapfel puis O. Wilckens. P. Groth quitta Strasbourg en 1883 et fut remplacé par H. Bücking. Les deux laboratoires qui devinrent en 1877 des Instituts, se trouvaient initialement situés dans le bâtiment de l'ancienne académie du quartier de la Krutenau. En mars 1890, ils déménagèrent dans le nouveau bâtiment de style néo-Renaissance du 1 rue Blessig dont la conception est due à E.W. Benecke et à Emil Cohen (1842-1905).
Le 12 mai 1873 fut par ailleurs créé le Service géologique d'Alsace-Lorraine, la "Commission für die geologische Landes-Untersuchung und Kartierung von Elsass-Lothringen" qui devint en 1909, la "Geologische Landesanstalt von Elsass-Lothringen". Le service qui déménagea également au 1 rue Blessig, était dirigé de façon collégiale par E.W. Benecke, P. Groth, et Harry Rosenbusch (1836-1914), venu de Heidelberg. Des conseillers, tels E. Cohen ou L. van Werveke les rejoignirent. La mission qui lui était assignée était multiple: relevé de cartes géologiques au 25000ème, constitution de collections régionales de référence, publication de travaux sur les formations géologiques des Vosges et de l'Alsace, réalisation de prospections et d'expertises géologiques pour les collectivités et les particuliers. Parmi les nombreux collaborateurs du Service géologique figurent H. Rosenbusch un pionnier de l'analyse pétrographique au microscope des lames minces, qui le premier décrivit le métamorphisme affectant les schistes de Steige au contact des granites du Hohwald et d'Andlau, et Emil Cohen (1842-1905), spécialiste des météorites, qui doubla le nombre d'échantillons des collections durant son séjour à Strasbourg (1878-1885). La somme considérable des études entreprises sur le terrain aboutit en 1900 à une première synthèse sur la géologie régionale par la publication d'un guide géologique (Geologischer Führer durch das Elsass : Benecke, Bücking, Schumacher et van Werveke, 1900, Berlin).
L'histoire des débuts de la Physique du Globe est très différente. Discipline jeune, elle s'est développée au sein de l'Université allemande à partir de la sismologie et de la météorologie. C'est un professeur de géographie, Georg Gerland (1833-1919), fondateur en 1887 du premier journal de géophysique, les "Beiträge zur Geophysik", qui créa à Strasbourg à la fois la Station Centrale Sismologique d'Allemagne (1900) et le Bureau Central International de Sismologie à la suite de la première conférence internationale de sismologie de 1901. C'est autour de cette station et du bureau central international que l'Université de Strasbourg a connu une intense activité scientifique au début du XXe siècle. Oskar Hecker (1864-1938) succéda à Gerland en 1910 à la tête de la station sismologique. Après la fin de la guerre, en janvier 1919, l'équipe de sismologues allemands a été expulsée de France. Il a fallu cinq années pour qu'un nouveau centre national de sismologie puisse à nouveau fonctionner en Allemagne, à Iena, sous la direction de Hecker. August Sieberg (1875-1945), très impliqué dans les problèmes de sismicité et de risque sismique, rejoignit aussi Iena où il fut nommé professeur de géophysique. Beno Gutenberg (1889-1960), géophysicien formé à Göttingen et qui avait été affecté à la station sismologique de Strasbourg dès 1912, s'est retrouvé sans emploi. Après une période difficile, il a émigré aux Etats Unis en 1930 et fut à l'origine du développement du Laboratoire de Sismologie de Caltech dont il est devenu directeur en 1947.
Le service météorologique d'Alsace-Lorraine a quant à lui été créé en 1887 sous la direction de Hugo von Hergesell (1859-1938), professeur à la Faculté des Sciences. Après l'invention du ballon sonde en 1892, une question de l'époque était d'établir le profil de température à haute altitude. Hergessel, nommé président de la commission internationale d'aérostation scientifique en 1896, participa à l'aventure. Le ballon "Strasbourg" est monté à 10,8 km en 1897 et a mesuré une température de -55°. Ce n'était pas un record à l'époque. Il faudra encore des centaines de lancers de ballons avant que l'existence de la stratosphère - qui allait contre les idées de Hergessel - soit établie. Proche du comte Ferdinand von Zepplin, Hergessell rejoignit Berlin en 1913. Son remplaçant, M. Stoll, dirigea le service pendant la Guerre. Georges Rempp (1882-1937), spécialiste d'aérologie, a vécu les période allemande et française. Il est entré au service météorologique en 1906 et fut nommé "premier assistant" en 1908. Avant la Guerre, il perfectionna les techniques de ballons-sondes et accompagna Alfred Wegener dans une expédition au Spitzberg en 1911-1912.
Dans tous les domaines relevant des anciens instituts de Géologie et de Physique du Globe de l'Université de Strasbourg, il n'y avait pas, au moment où survenait la première Guerre Mondiale, de césure entre les activités de recherche, d'enseignement et de service scientifique. Le maintien, au sein du système français, de cette trilogie et ce malgré la volonté politique affichée en 1919, n'était pas aussi simple. Des organismes nationaux, relevant le cas échéant d'autres ministères, ont progressivement couvert les secteurs d'activité des services scientifiques et des laboratoires de recherche.