Portraits d'aventuriers

L'EOST a accueilli quatre Volontaires au service civique (VSC) durant six semaines en septembre et octobre. Ils ont suivi durant cette période une préparation à leur future mission d'un an aux confins du monde, dans les observatoires sismologiques et magnétiques de l'EOST. Ils ont aujourd'hui rejoint la Bretagne pour un complément de formation à l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (L'<link http: www.institut-polaire.fr _blank paul emile>IPEV assure notamment les aspects logistiques et techniques de ces expéditions de rechercher dans les régions polaires.).

Pendant leur service, ils auront en charge l'entretien et le réglage des instruments, ainsi que la maintenance des chaînes d'acquisition et de transmission des données. Tous les quatre sont motivés et pressés de partir loin de "leur vie d'avant" pour une belle aventure humaine et professionnelle.

Jordan TuckerJordan Tucker est franco-américain. Il vit dans le sud de la France où il exerce la profession d'informaticien. En janvier prochain, il va troquer la chaleur et la vue sur la Méditerranée contre le climat frais, humide et venteux des îles Crozet, dans le sud de l'océan indien. La base  Alfred Faure y est installée depuis 1964 sur la plus grande île de l'archipel, l'île de la Possession (150 km2). Jordan travaillera en compagnie d'une quinzaine d'autres hivernants et de plusieurs miGregory Tranllions d'oiseaux, dont environ cent mille manchots.

Gregory Tran est informaticien et photographe indépendant en région parisienne. Il part pour les Iles Kerguelen, autre district des Terres australes et antarctiques française, dont le climat est comparable à celui de Crozet (en plus venteux encore) et la taille à celle de la Corse. C'est la base de Port-aux-français qui accueille depuis 1951 les équipes scientifiques de l'archipel. 60 scientifiques et techniciens y vivent en permanence ; le double en été.

Nicolas GhayeNicolas Ghaye, lui aussi informaticien, quitte sont emploi à l'université de Liège dans sa Belgique natale pour rejoindre la base Martin de Viviès sur la toute petite île d'Amsterdam (58 km2). Le climat de ce rocher volcanique perdu au sud de l'océan indien est un rien plus doux que celui des ses "voisines". D'ailleurs, on y trouve la seule espèce d'arbres des Terres australes et antarctiques françaises (le Phylica arborea, soigneusement préservé).

Tous trois voyageront ensemble depuis l'île de la Réunion sur le Marion Dufresne, l'un des rares bateaux effectuant les rotations vers ces terres inhospitalières. Jordan arrivera à bon port le premier, après 3400 km de voyage, puis Gregory, et enfin Nicolas, au terme d'un voyage de deux semaines.Thomas Clément

Thomas Clément, électronicien tout juste diplômé à Grenoble, part, lui, beaucoup plus au Sud. C'est pour la Terre Adélie qu'il va embarquer d'ici quelques semaines vers sa première expérience professionnelle. Il y rejoindra la base Dumont d'Urville après un vol de plus de vingt heures jusqu'en Tasmanie (au sud de l'Australie), puis une navigation d'une semaine et 2700 km à bord de l'Astrolabe. La base Dumont d'Urville est installée sur l'île des Pétrels, dans l'archipel de la Pointe Géologie, à 5 km du continent Antarctique.  Elle accueille en permanence au moins 30 personnes.

 

 

Une expérience professionnelle très positive

D'un point de vue technique, le travail sur place des VSC n'est pas particulièrement compliqué. Mais l'expérience est intéressante car elle leur permet d'étendre leur savoir-faire à d'autres domaines : sismologie, magnétisme, optique... Ce sont aussi des postes à forte responsabilité : les liaisons sont évidemment possibles avec les scientifiques de l'EOST et de l'IPEV en cas de problème, mais ils seront seuls sur place au quotidien pour assurer leur mission et prendre les décisions. C'est enfin et surtout un apport exceptionnel sur le plan humain et social. Qui pourra mettre en doute leur capacité à travailler en équipe alors qu'ils ont vécu 24 heures sur 24 pendant un an avec quelques dizaines de collègues seulement ?

Certains espèrent aussi que cette première expédition leur offrira d'autres opportunités de voyages par la suite.

C'est en tout cas, de l'avis de tous, un formidable atout pour viser des postes "hybrides".

Oui, mais quoi d'autre ?

L'acquisition ou la valorisation de compétences techniques ne sont pas suffisantes. Tous évoquent en premier lieu l'attirance pour une aventure "à la Robinson Crusoé" où les aspects humains priment. Vivre en quasi autarcie (le ravitaillement est effectué une fois par trimestre) est un défi que tous les quatre brûlent de relever. 

L'environnement naturel des missions, la faune et la flore, sont un atout supplémentaire de ces lointains territoires. Combien d'être humains ont une chance de vivre au milieu de colonies de manchots ou de phoques, dans une nature sauvage et préservée ?

Mais cette attirance ne s'est pas manifestée aussi vite pour les uns que pour les autres. L'un d'eux avoue avoir pensé qu'il fallait être "taré" pour faire un "truc pareil" lorsqu'il est tombé sur le blog d'un VSC. Et puis, petit à petit, l'idée a fait son chemin. Il a visité d'autres sites, lu de nombreux témoignages et conçu une envie irrésistible de vivre cette aventure. Un autre souhaitait sortir des "jobs standards" en entreprise. Il a tapé "expédition scientifique informaticien" sur son moteur de recherche. Le troisième était passionné de régions polaires et connaissait depuis longtemps le programme des VSC. Il a attendu un moment favorable pour postuler, comme le quatrième.

Aucune appréhension ?

Évidemment, l'enthousiasme n'empêche pas quelques craintes : incompatibilité de caractère avec un collègue proche avec lequel on va vivre presque 24H/24, manque d'activités culturelles, manque de temps libre entre les nombreuses tâches à accomplir, voire même peur du retour en métropole à la fin de la mission. Mais ils n'y pensent "pas plus que ça".

Un peu de logistique...

Quitter son environnement quotidien pour un an signifie d'abord quitter son logement en résiliant son bail, en sous-louant ou en louant l'appartement meublé. Dans le meilleur des cas, ça signifie trouver un endroit où stocker les affaires personnelles, chez les parents et amis ou en garde-meuble, pour faire de la place aux nouveaux occupants.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             L'équipement nécessaire aux manipulations est fourni (parka, chaussures, gants...) à l'arrivée à la base. Le reste est l'affaire de chacun, dans la limite de 120 kg répartis dans trois malles au format très réglementé. Une liste indicative est fournie à chacun et les "anciens" de chaque base donnent également de bons tuyaux issus de leur propre expérience.

Dans ces malles, les VCS doivent prévoir le nécessaire pour une année entière : vêtements, dentifrice, gel douche, shampoing (Gregory et Jordan n'ont pas décidé pour autant de sacrifier leur longue chevelure), des lacets de rechange, etc. Difficile à imaginer quand on a tous les commerces sous la main. Les "anciens" confirment qu'on apprend vite à économiser les produits.

Une fois le minimum vital emballé, il faut choisir : mieux vaut jouer de l'harmonica que de la guitare !  Cela dit, certaines bases sont particulièrement bien équipées dans ce domaine. On peut y monter un orchestre complet sans apporter le moindre instrument. Heureusement aussi pour les fumeurs, on trouve des cigarettes sur place. Quelques autres produits de base sont également en vente, mais en faible quantité et à un prix dissuasif, pour dépanner les imprévoyants.

Les malles de Nicolas, Gregory et Jordan sont parties mi-septembre pour un long périple via la Mer rouge où elles vont subir chaud, froid et humidité. Gare à ceux qui n'ont pas veillé à l'étanchéité du paquetage ! Si tout se passe comme prévu, les malles arriveront à bon port en même temps qu'eux, dans plus de deux mois.

Propos recueillis par V. Bertrand.

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Groupe VSC Eost Octobre 2013

De gauche à droite : Gregory Tran, Nicolas Ghaye, Jordan Tucker et Thomas Clément